Le formulaire 1015 : ce qu’il faut savoir 

Dès 2015, l’AQEIPS prend note d’une préoccupation soulevée par une organisation partenaire concernant la version 2014-2015 du formulaire 1015 utilisée. Selon une lettre adressée à la Direction générale des affaires universitaires et interordres, on y déplorait le manque de clarté dans le formulaire, notamment l’absence d’une case spécifique pour les handicaps dits « émergeants », comme les troubles de l’apprentissage.   

En effet, en vertu de l’article 47 du Règlement sur l’aide financière aux études, qu’un nombre limité de situations de handicap sont reconnues comme une déficience fonctionnelle majeure; la déficience visuelle grave, la déficience auditive grave, la déficience motrice et la déficience organique. L’AFE soutenait dès lors qu’un trouble de l’apprentissage n’était pas reconnu comme une déficience fonctionnelle majeure. 

Les conseillers et conseillères universitaires confirmaient qu’ainsi, pour un même diagnostique tel qu’un TDAH, les médecins cochaient la case « déficience organique » ce qui prévalait plusieurs personnes étudiantes du statut de DFM, alors que d’autres cochaient la case « trouble du langage ou de la parole », qui ne s’inscrit pas comme une DFM. Simplement parce qu’un médecin cochait une case différente, tout en inscrivant le même diagnostique, des personnes étudiantes voyaient leurs prêts se transformer en bourses alors que d’autres non. Les conseillers et conseillères demandaient donc une révision du formulaire pour introduire une catégorie distincte pour ces troubles et clarifier les règles afin d’éviter toute ambiguïté. 

Ce n’est qu’en mai 2018 qu’une case « autres » à vue le jour. Cette case permettait aux professionnels de la santé de cocher lorsqu’une situation de handicap « émergeantes » n’était pas formulée au sein du formulaire, telle qu’un TDAH, un trouble du spectre de l’autisme et toute autre situation.  

Bien que le formulaire indiquait que seulement « en cochant Oui dans le cas des quatre premières [déficiences fonctionnelles majeures : déficience visuelle grave, déficience auditive grave, déficience motrice et déficience organique] » le document rendait admissible la personne étudiante à une aide financière entièrement sous forme de bourse (ministère de l’Enseignement supérieur, 2018), la nouvelle case étant la cinquième, les personnes avec un handicap émergeant se catégorisant dans « autres » ne pouvaient pas avoir accès à cette bourse en vertu du règlement 47. Néanmoins, des personnes étudiantes et leurs médecins semblaient s’attendre à une réponse positive de l’AFE, ce qui a entrainé beaucoup de confusion et de demandes de révision. 

Selon un échange écrit entre monsieur Jean-François Roberge et monsieur Simon Jolin-Barette, il semblerait que cette fameuse case « autres » fût retirée en août 2018, près de trois mois plus tard, suivant une intervention du Collège des médecins auprès de l’AFE.  

Plusieurs personnes étudiantes ayant soumis un formulaire 1015 qui contenait la case « autres » auraient été invitées téléphoniquement par l’AFE à resoumettre une 2e version du formulaire (sans la case « autres »), recréant un contexte semblable à celui dénoncé en 2015; simplement parce qu’un médecin cochait une case différente, tout en inscrivant le même diagnostique, des personnes étudiantes voyaient leurs prêts se transformer en bourses alors que d’autres non. 

Selon un rapport publié en 2022 par le Protecteur du citoyen, l’AFE n’a pas de service médical à l’interne, celle-ci atteste en entrevue qu’elle ne dispose pas de l’expertise nécessaire pour remettre en question l’opinion émise par le ou la médecin ayant rempli le formulaire 1015 (p.30) Le traitement des demandes est ainsi purement administratif et la demande était d’office acceptée lorsque le médecin attestait en cochant les cases concordantes que la déficience :  

– Est permanente;  

– Entraîne des limitations significatives et persistantes dans l’accomplissement des activités scolaires de l’étudiant·e;  

– Fait partie de l’une des quatre catégories de déficience prévues (la déficience visuelle grave, la déficience auditive grave, la déficience motrice et la déficience organique).  

Ce qui expliquerait pourquoi (avec un même diagnostic) certaines personnes étudiantes obtenaient le statut DFM alors que d’autres non. 

Selon la compréhension actuelle, même si cette case « autres » n’avait pas été retirée, les personnes étudiantes en situation de handicap dont le professionnel de la santé aurait coché « autres » en 2018, n’auraient pas obtenu le statut de DFM tel qu’il était inscrit dans le formulaire et supporté par le règlement 47. 

En 2023, un projet a été introduit pour modifier l’article 47 du Règlement sur l’aide financière aux études. Ce projet vise à remplacer les catégories fixes de déficience fonctionnelle majeure par une définition plus large qui considère l’impact significatif et persistant d’une déficience, pouvant ainsi l’élargir aux situations émergentes. Cette modification est saluée tant par l’AQEIPS que le Protecteur du citoyen et semble s’inscrire dans les recommandations de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. 

Toutefois, la nouvelle question sur l’intégration au marché du travail, ajoutée dans le formulaire, a été vivement critiquée tant pour son manque de réalisme que pour sa complexité. Déjà en 2022 l’AFE mentionnait au Protecteur du citoyen « qu’elle avait ajouté, en 2018, une question sur la capacité de travailler après les études dans son certificat médical, mais que le Collège des médecins avait demandé qu’elle soit retirée. L’ordre professionnel soutenait en effet que ses membres n’étaient pas en mesure de répondre à cette question, a fortiori plusieurs années avant que l’étudiant·e ait terminé ses études. » (Protecteur du citoyen, 2022, p. 31) Ainsi, le nouveau formulaire, disponible ci-bas, présente son lot de questionnements.